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Angélique.

Il est assez permis de s’y tromper ; mais c’est du moins pour la plus digne de l’être, pour la plus tendre et la plus chérie de sa fille qu’il y ait au monde.

Madame Argante.

Ces sentiments-là sont dignes de toi, et je les dirai ; mais il ne s’agit pas d’elle, elle est absente ; revenons. Qu’est-ce qui te chagrine ?

Angélique.

Vous m’avez demandé si on avait attaqué mon cœur ? Que trop, puisque j’aime !

Madame Argante, d’un air sérieux.

Vous aimez ?

Angélique, riant.

Eh bien ! ne voilà-t-il pas cette mère qui est absente ? C’est pourtant elle qui me répond ; mais rassurez-vous, car je badine.

Madame Argante.

Non, tu ne badines point ; tu me dis la vérité ; et il n’y a rien là qui me surprenne. De mon côté, je n’ai répondu sérieusement que parce que tu me parlais de même. Ainsi point d’inquiétude. Tu me confies donc que tu aimes.

Angélique.

Je suis presque tentée de m’en dédire.

Madame Argante.

Ah ! ma chère Angélique, tu ne me rends pas tendresse pour tendresse.