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Scène VI

FRONTIN, LISETTE.
Frontin.

Ils me paraissent bien satisfaits tous deux. Oh ! n’importe, cela ne saurait durer.

Lisette.

Eh bien ! me voilà revenue ; qu’as-tu imaginé ?

Frontin.

Toutes réflexions faites, je conclus qu’il faut d’abord commencer par nous brouiller tous deux.

Lisette.

Que veux-tu dire ? à quoi cela nous mènera-t-il ?

Frontin.

Je n’en sais encore rien, je ne saurais t’expliquer mon projet ; j’aurais de la peine à me l’expliquer à moi-même : ce n’est pas un projet ; c’est une confusion d’idées fort spirituelles qui n’ont peut-être pas le sens commun, mais qui me flattent. Je verrai clair à mesure ; à présent je n’y vois goutte. J’aperçois pourtant en perspective des discordes, des querelles, des explications, des rancunes. Tu m’accuseras, je t’accuserai ; on se plaindra de nous ; tu auras mal parlé, je n’aurai pas mieux dit. Tu n’y comprends rien, la chose est obscure : j’essaie, je hasarde, je te conduirai, et tout ira bien ; m’entends-tu un peu ?

Lisette.

Oh ! belle demande ! cela est si clair !