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jamais ; serment que je fais pourtant, si vous le trouvez nécessaire ; cela suffit-il ?

Damis.

Eh ! madame, c’en est fait, et vous n’avez rien à craindre. Je ne suis point de caractère à persécuter les dispositions où je vous vois ; elles excluent notre mariage ; et quand ma vie en dépendrait, quand mon cœur vous regretterait, ce qui ne serait pas difficile à croire, je vous sacrifierais et mon cœur et ma vie, et vous les sacrifierais sans vous le dire ; c’est à quoi je m’engage, non par des serments qui ne signifieraient rien, et que je fais pourtant comme vous, si vous les exigez, mais parce que votre cœur, parce que la raison, mon honneur et ma probité dont vous l’exigez, le veulent ; et comme il faudra nous voir, et que je ne saurais partir ni vous quitter sur-le-champ, si, pendant le temps que nous nous verrons, il m’allait par hasard échapper quelque discours qui pût vous alarmer, je vous conjure d’avance de n’y rien voir contre ma parole, et de ne l’attribuer qu’à l’impossibilité qu’il y aurait de n’être pas galant avec ce qui vous ressemble. Cela dit, je ne vous demande plus qu’une grâce ; c’est de m’aider à vous débarrasser de moi, et de vouloir bien que je n’essuie point tout seul les reproches de nos parents ; il est juste que nous les partagions ; vous les méritez encore plus que moi. Vous craignez plus l’époux que le mariage, et moi je ne craignais que le dernier. Adieu, madame ; il me tarde de vous montrer que je suis du moins digne de quelque estime. (Il se retire.)

Lisette.

Mais, vous vous en allez sans prendre de mesures.