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Araminte.

Mais dans la situation où vous êtes, quel intérêt aviez-vous d’entrer dans ma maison et de la préférer à une autre ?

Dorante.

Je trouve plus de douceur à être chez vous, madame.

Araminte.

Il y a quelque chose d’incompréhensible en tout ceci ! Voyez-vous souvent la personne que vous aimez ?

Dorante, toujours abattu.

Pas souvent à mon gré, madame ; et je la verrais à tout instant, que je ne croirais pas la voir assez.

Araminte, à part.

Il a des expressions d’une tendresse ! (Haut.) Est-elle fille ? A-t-elle été mariée ?

Dorante.

Madame, elle est veuve.

Araminte.

Et ne devez-vous pas l’épouser ? Elle vous aime, sans doute ?

Dorante.

Hélas ! madame, elle ne sait pas seulement que je l’adore. Excusez l’emportement du terme dont je me sers. Je ne saurais presque parler d’elle qu’avec transport !

Araminte.

Je ne vous interroge que par étonnement. Elle ignore que vous l’aimez, dites-vous, et vous lui sacrifiez votre fortune ! Voilà de l’incroyable.