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monsieur, vous n’avez qu’à parler à madame. Si elle m’accorde à vous, vous n’aurez point de peine à m’obtenir de moi-même. (Elle sort.)



Scène XV

DORANTE, ARAMINTE.
Araminte, à part, émue.

Cette folle ! (Haut.) Je suis charmée de ce qu’elle vient de m’apprendre. Vous avez fait là un très bon choix ; c’est une fille aimable et d’un excellent caractère.

Dorante, d’un air abattu.

Hélas ! madame, je ne songe point à elle.

Araminte.

Vous ne songez point à elle ! Elle dit que vous l’aimez, que vous l’aviez vue avant que de venir ici.

Dorante, tristement.

C’est une erreur où M. Remy l’a jetée sans me consulter ; et je n’ai point osé dire le contraire, dans la crainte de m’en faire une ennemie auprès de vous. Il en est de même de ce riche parti qu’elle croit que je refuse à cause d’elle ; et je n’ai nulle part à tout cela. Je suis hors d’état de donner mon cœur à personne ; je l’ai perdu pour jamais, et la plus brillante de toutes les fortunes ne me tenterait pas.

Araminte.

Vous avez tort. Il fallait désabuser Marton.

Dorante.

Elle vous aurait, peut-être, empêchée de me recevoir, et mon indifférence lui en dit assez.