Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 3.djvu/441

Cette page n’a pas encore été corrigée

FRONTIN

Je t’entends, tu t’es fait soldat ; ne serais-tu pas déserteur par hasard ?

TRIVELIN

Non, mon habit d’ordonnance était une livrée.

FRONTIN

Fort bien.

TRIVELIN

Avant que de me réduire tout à fait à cet état humiliant, je commençai par vendre ma garde-robe.

FRONTIN

Toi, une garde-robe ?

TRIVELIN

Oui, c’étaient trois ou quatre habits que j’avais trouvés convenables à ma taille chez les fripiers, et qui m’avaient servi à figurer en honnête homme. Je crus devoir m’en défaire, pour perdre de vue tout ce qui pouvait me rappeler ma grandeur passée. Quand on renonce à la vanité, il n’en faut pas faire à deux fois ; qu’est-ce que c’est que se ménager des ressources ? Point de quartier, je vendis tout ; ce n’est pas assez, j’allai tout boire.

FRONTIN

Fort bien.

TRIVELIN

Oui, mon ami ; j’eus le courage de faire deux ou trois débauches salutaires, qui me vidèrent ma bourse, et me garantirent ma persévérance dans la condition