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traité poliment sous une figure, menacé d’étrivières sous une autre ; changeant à propos de métier, d’habit, de caractère, de mœurs ; risquant beaucoup, réussissant peu ; libertin dans le fond, réglé dans la forme ; démasqué par les uns, soupçonné par les autres, à la fin équivoque à tout le monde, j’ai tâté de tout ; je dois partout ; mes créanciers sont de deux espèces : les uns ne savent pas que je leur dois ; les autres le savent et le sauront longtemps. J’ai logé partout, sur le pavé ; chez l’aubergiste, au cabaret, chez le bourgeois, chez l’homme de qualité, chez moi, chez la justice, qui m’a souvent recueilli dans mes malheurs ; mais ses appartements sont trop tristes, et je n’y faisais que des retraites ; enfin, mon ami, après quinze ans de soins, de travaux et de peines, ce malheureux paquet est tout ce qui me reste ; voilà ce que le monde m’a laissé, l’ingrat ! après ce que j’ai fait pour lui ! tous ses présents ne valent pas une pistole !

FRONTIN

Ne t’afflige point, mon ami. L’article de ton récit qui m’a paru le plus désagréable, ce sont les retraites chez la justice ; mais ne parlons plus de cela. Tu arrives à propos ; j’ai un parti à te proposer. Cependant qu’as-tu fait depuis deux ans que je ne t’ai vu, et d’où sors-tu à présent ?

TRIVELIN

Primo, depuis que je ne t’ai vu, je me suis jeté dans le service.