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est-il si difficile ? n’ai-je pas le cœur libre ? n’êtes-vous pas aimable ? ne m’aimez-vous pas assez ? que vous manque-t-il ? vous n’êtes pas raisonnable. Je vous refuse mon cœur avec le péril qu’il y a de l’avoir ; mon amour vous perdrait. Voilà pourquoi vous ne l’aurez point ; voilà d’où me vient ce courage que vous me reprochez. Et vous vous plaignez de moi, et vous me demandez encore que je vous aime, expliquez-vous donc, que me demandez-vous ? Que vous faut-il ? Qu’appelez-vous aimer ? Je n’y comprends rien.

LÉLIO

, vivement.

C’est votre main qui manque à mon bonheur.

HORTENSE

, tendrement.

Ma main !… Ah ! je ne périrais pas seule, et le don que je vous en ferais me coûterait mon époux ; et je ne veux pas mourir, en perdant un homme comme vous. Non, si je faisais jamais votre bonheur, je voudrais qu’il durât longtemps.

LÉLIO

, animé.

Mon cœur ne peut suffire à toute ma tendresse. Madame, prêtez-moi, de grâce, un moment d’attention, je vais vous instruire.

HORTENSE

Arrêtez, Lélio ; j’envisage un malheur qui me fait frémir ; je ne sache rien de si cruel que votre obstination ; il me semble que tout ce que vous me dites m’entretient de votre mort. Je vous avais prié de laisser mon cœur en repos, vous n’en faites rien ; voilà