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HORTENSE

Ce que vous avez fait ? Pourquoi me rencontrez-vous ici ? Qu’y venez-vous chercher ? Vous êtes arrivé à la cour ; vous avez plu à la Princesse, elle vous aime ; vous dépendez d’elle, j’en dépends de même ; elle est jalouse de moi : voilà ce que vous avez fait, Monsieur, et il n’y a point de remède à cela, puisque je n’en trouve point.

LÉLIO

, étonné.

La Princesse est jalouse de vous ?

HORTENSE

Oui, très jalouse : peut-être actuellement sommes-nous observés l’un et l’autre ; et après cela vous venez me parler de votre passion, vous voulez que je vous aime ; vous le voulez, et je tremble de ce qui en peut arriver : car enfin on se lasse. J’ai beau vous dire que cela ne se peut pas, que mon cœur vous serait inutile ; vous ne m’écoutez point, vous vous plaisez à me pousser à bout. Eh ! Lélio, qu’est-ce que c’est que votre amour ? Vous ne me ménagez point ; aime-t-on les gens quand on les persécute, quand ils sont plus à plaindre que nous, quand ils ont leurs chagrins et les nôtres, quand ils ne nous font un peu de mal que pour éviter de nous en faire davantage ? Je refuse de vous aimer : qu’est-ce que j’y gagne ? Vous imaginez-vous que j’y prends plaisir ? Non, Lélio, non ; le plaisir n’est pas grand. Vous êtes un ingrat ; vous devriez me remercier de mes refus, vous ne les méritez pas. Dites-moi, qu’est-ce qui m’empêche de vous aimer ? cela