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JUGEMENT SUR LE LEGS. Le Legs n'est, à parler exactement , ni une comédie de caractère ni une comédie d’intrigue ; c’est un petit tableau de genre, un intérieur dans lequel le peintre a disposé avec art six personnages , à chacun desquels il a donné une physionomie originale et piquante. Une pièce en un acte ne permet point les développemens indispensables à ce que l’on appelle au théâtre un caractère ou une intrigue. L’action est légère ; un mot qui serait dit par le marquis l’aurait terminée à l’instant. Mais telle est la combinaison ingénieuse imaginée par Marivaux , que ce mot décisif ne peut être dit que quand il aura été arraché comme par force à la timidité naturelle du marquis , et à la crainte que cet homme éprouve de blesser, en le prononçant , la femme qui brûle de l’entendre. C’est cette timidité excessive, et vraiment extraordinaire dans un amant, qui forme le nœud de la pièce ; c’est l’ef- fort que la comtesse sera obligée de faire pour la vaincre qui le resserre et qui le renforce. Le comique de la situa- tion résulte de ce que les deux principaux personnages sont obligés précisément de faire le rôle l’un de l’autre : le marquis ayant toute la réserve d’une femme qui tremble et qui rougit d’un aveu, et la comtesse condamnée, pour n’être pas dupe , à faire en quelque sorte les avances , et