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et cette petite bourgeoise qui fait comparaison avec moi ? Et puis cette bonté superbe avec laquelle on salue des inférieurs ; cet air altier avec lequel on prend sa place ; cette évaluation de ce que l’on est et de ce que les autres ne sont pas. Reconduira-t-on celle-ci ? Ne fera-t-on que saluer celle-là ? Sans compter cette rancune contre tous les jolis visages que l’on va détruisant d’un ton nonchalant et distrait. Combien en avez-vous trouvé de boursouflés, parce qu’ils étaient gras ? Vous n’accordiez que la peau sur les os à celui qui était maigre. Il y avait un nez sur celui-ci qui l’empêchait d’être spirituel. Des yeux étaient-ils fiers ? ils devenaient hagards. Étaient-ils doux ? les voilà bêtes. Étaient-ils vifs ? les voilà fous. À vingt-cinq ans, on approchait de sa quarantaine. Une petite femme avait-elle des grâces ? ah ! la bamboche ! Était-elle grande et bien faite ? ah ! la géante ! elle aurait pu se montrer à la foire. Ajoutez à cela cette finesse avec laquelle on prend le parti d’une femme sur des médisances que l’on augmente en les combattant, qu’on ne fait semblant d’arrêter que pour les faire courir, et qu’on développe si bien, qu’on ne saurait plus les détruire.

LA COMTESSE

Arrête, Spinette, arrête, je te prie.