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choix des rubans ! Mettrai-je celui-là ? non, il me rend le visage dur. Essayons de celui-ci ; je crois qu’il me rembrunit. Voyons le jaune, il me pâlit ; le blanc, il m’affadit le teint. Que mettra-t-on donc ? Les couleurs sont si bornées, toutes variées qu’elles sont ! La coquetterie reste dans la disette ; elle n’a pas seulement son nécessaire avec elle. Cependant on essaye, on ôte, on remet, on change, on se fâche ; les bras tombent de fatigue, il n’y a plus que la vanité qui les soutient. Enfin on achève : voilà cette tête en état : voilà les yeux armés. L’étourdi à qui tant de grâces sont destinées arrivera tantôt. Est-ce qu’on l’aime ? non. Mais toutes les femmes tirent dessus, et toutes le manquent. Ah ! le beau coup, si on pouvait l’attraper !

BLAISE

Mais de cette manière-là, vous autres femmes dans le monde qui tirez sur les gens, je comprends qu’ou êtes comme des fusils.

SPINETTE

À peu près, mon pauvre Blaise.

LA COMTESSE

Ah ciel !

BLAISE

Elle se lamente. C’est la raison qui bataille avec la folie.

SPINETTE

Ne vous troublez point, Madame ; c’est un cœur tout à vous qui vous parle. Malheureusement je n’ai point de mémoire, et je ne me ressouviens pas de la moitié de vos folies. Orgueil sur le chapitre de la naissance : qui sont-ils ces gens-là ? de quelle maison ?