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BLECTRUE

Tant pis. Vous étiez donc quelque chose de bien étrange ?

LE POÈTE

Non, quelque chose de très honorable ; j’étais homme d’esprit et bon poète.

BLECTRUE

Poète ! est-ce comme qui dirait marchand ?

LE POÈTE

Non, des vers ne sont pas une marchandise, et on ne peut pas appeler un poète un marchand de vers. Tenez, je m’amusais dans mon pays à des ouvrages d’esprit, dont le but était, tantôt de faire rire, tantôt de faire pleurer les autres.

BLECTRUE

Des ouvrages qui font pleurer ! cela est bien bizarre.

LE POÈTE

On appelle cela des tragédies, que l’on récite en dialogues, où il y a des héros si tendres, qui ont tour à tour des transports de vertu et de passion si merveilleux ; de nobles coupables qui ont une fierté si étonnante, dont les crimes ont quelque chose de si grand, et les reproches qu’ils s’en font sont si magnanimes ;