On vient de voir avec quelle franchise Marivaux reconnaît
la justice de l’arrêt qui condamna cette comédie à la
première représentation. Cette soumission, si rare chez la
plupart des écrivains dramatiques , n’a rien qui étonne,
quand on connaît la noblesse du caractère et la justesse de
l’esprit de notre auteur. Trop sincère pour se révolter contre
l’évidence , il avait de trop bons yeux pour ne pas la
saisir lorqu’elle se présentait à lui. Ce qui peut surprendre,
c’est qu’il ait eu besoin de l’épreuve de la scène pour connaître
la destinée de sa pièce , et qu’il n’ait pas prévu l’impossibilité
de faire réussir au théâtre une comédie dans laquelle
le témoignage des yeux donne un démenti continuel
aux paroles des interlocuteurs.
Ce qui trompa Marivaux, ce fut le succès qu’avait obtenu son ouvrage dans les sociétés particulières où il eu avait fait lecture. Ce succès avait dû être extraordinaire comme l’idée principale sur laquelle roule la pièce ; l’idée d’ailleurs , a un autre mérite que celui de la singularité : elle est philosophique , et sous le voile d’une allégorie transparente, elle offre une grande vérité morale ; c’est