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farme, je bataille contre le chagrin ; je me dis que tout ça n’est rian, que ça n’arrivera pas ; mais, morgué ! quand je vous entends geindre, ça me gâte le courage. Je me dis : Piarre, tu ne prends point de souci, mon ami, et c’est que tu t’enjôles ; si tu faisais bian, tu en prenrais : j’en prends donc. Tenez ; tout en parlant de chouse et d’autre, velà-t-il pas qu’il me prend envie de pleurer ! et c’est vous qui en êtes cause.

DORANTE

Hélas ! mon enfant, rien n’est plus sûr que notre malheur : l’époux qu’on destine à Mademoiselle Argante doit arriver aujourd’hui, et c’en est fait ; Monsieur Argante, pour marier sa fille, ne voudra pas seulement attendre qu’il soit de retour à Paris.

MAÎTRE PIERRE

C’en est donc fait ? queu piquié que, noute vie, Monsieur Dorante ! Mais pourquoi est-ce que Monsieur Argante, noute maître ; ne veut pas vous bailler sa fille ? Vous avez une bonne métairie ici ; vous êtes un joli garçon, une bonne pâte d’homme, d’une belle et bonne profession ; vous plaidez pour le monde. Il est bian vrai quou n’êtes pas chanceux, vous pardez vos causes ; mais que faire à ça ? Un autre les gagne ; tant pis pour ceti-ci, tant mieux pour ceti-là ; tant pis et tant mieux font aller le