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Parlez, ne craignez point que ma bouche trahisse
La faveur que ma gloire attend de Laodice.
Quel est donc cet époux que l’on vient vous offrir ?
Puis-je vivre, ou faut-il me hâter de mourir ?

LAODICE

Vivez, Seigneur, vivez ; j’estime trop moi-même
Et la gloire et le cœur de ce héros qui m’aime
Pour ne l’instruire pas, si jamais dans ces lieux
Quelqu’un lui réservait un sort injurieux.
Oui, puisque c’est à moi que ce héros se livre,
Et qu’enfin c’est pour lui que j’ai juré de vivre,
Vous devez être sûr qu’un cœur tel que le mien
Prendra les sentiments qui conviennent au sien ;
Et que, me conformant à votre grand courage,
Si vous deviez, Seigneur, essuyer un outrage,
Et que la seule mort pût vous en garantir,
Mes larmes couleraient pour vous en avertir.
Mais votre honneur ici n’aura pas besoin d’elles :
Les dieux m’épargneront des larmes si cruelles ;
Mon père est vertueux ; et si le sort jaloux
S’opposait aux desseins qu’il a formés pour nous,
Si par de fiers tyrans sa vertu traversée
À faillir envers vous est aujourd’hui forcée,
Gardez-vous cependant de penser que son cœur
Pût d’une trahison méditer la noirceur.

ANNIBAL

Je vous entends : la main qui me fut accordée,
Pour un nouvel époux Rome l’a demandée,
Voilà quel est le soin que Rome prend de vous.
Mais, dites-moi, de grâce, aimez-vous cet époux ?