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rien est patron maintenant. Je l’ai revu à Saint-Martin. Quand je pense encore — allons, dis tout ! — quand je pense encore que j’avais rêvé un moment d’être l’aumônier des pêcheurs, oui, à Terre-Neuve !

Est-ce que c’est l’âge, la nourriture — comme je le disais l’autre jour — ou la saison ? mais je sens que je m’amollis. Une preuve encore. François Deconihout est venu me voir après déjeuner pour cette histoire de cercle d’études — nous l’appellerons, je crois, l’Association Saint-Thomas d’Aquin — eh bien, j’étais debout, au seuil du presbytère, dans le soleil, la main sur la muraille toute chaude, et c’est à peine si j’entendais ce qu’il disait. Un bourdon voletait çà et là dans la glycine. J’étais comme ivre. C’était — est-ce que ça arrive, des choses comme ça ? — c’était comme si j’étais devenu le bourdon lui-même. M.  le Curé s’est approché de moi : « Il fait bien beau, n’est-ce pas, mon enfant ! » J’ai répondu : « Ah ! oui, monsieur le Curé, il fait bien beau ! » mais avec une telle flamme, une telle ferveur que je n’ai pas reconnu ma voix.

Si je m’examine attentivement, sans la moindre tendresse suspecte, je ne trouve rien à me reprocher. Ce qui ne signifie bien sûr pas que je n’aie rien, effectivement, à me reprocher : au jour du jugement, nous n’aurons pas seulement à répondre de ce que nous savons avoir fait…