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s’en satisfaisait même plus. Elle allait de son lit à la commode puis à son lit, comme s’il était là étendu sur la couchette, malade de cet affreux et grand mal de mer qui est un mal donné par un élément et par la séparation intimement associés, et la chambre lui était aussi étroite qu’une cabine. Elle s’arrêtait devant les bibelots de sa commode, approfondissait son impuissance, puis, devant la lampe, fascinée, elle rêvait. Elle ne sentait pas son corps malgré un frisson au dos, elle ne sentait pas ses jambes impatientes, elle ne sentait pas sa poitrine, elle ne sentait même pas sa bouche : elle sentait seulement ses yeux lourds de migraine et son cœur, son cœur maternel. Et d’instinct, pensant au mal de mer de Claude, à son chagrin, elle marchait maintenant dans la chambre, en long et en large, d’un pas somnambule et elle se demandait si elle avait assez souffert pour lui, elle demandait à souffrir plus que lui, par le besoin de se rendre moralement encore plus digne de lui, ce qui donne au cœur une illusion de rapprochement dans la chaleur des larmes quand on pleure un être parti.

Et elle-même cela l’endormait presque. Elle n’avait plus de larmes ni de forces. Elle pensait maintenant à lui avec un malaise de confusion. Tout le temps qu’elle avait attendu de ses nouvelles, il n’était pas pour elle plus loin que Diego, l’escale d’où devait lui venir la lettre ; mais maintenant il était bien plus éloigné, dans un espace auquel elle n’avait pas encore songé, qu’elle n’avait pas encore établi dans son imagination. Il était en plein Océan Indien, et ce n’était plus