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l’existence des créoles dédaigneux des affaires et de l’épargne, soit que les uns s’absorbent dans la passion, ayant grandi ensemble et rêvant dès douze ans de la même personne dans une sieste perpétuelle du cœur où on l’idéalise de perfection, bientôt graves, extasiés et frénétiques, possédés de fidélité, soit que les autres, dégusteurs, changent tous les ans de « belle » après une bouderie, sensuels avec les unes, platoniques devant celles qui ont des yeux bleus. Préludant aux regards brillants des fillettes, se poursuivant à travers les fâcheries de coquetterie, entre les œillades, les baisers, les moqueries et les réprimandes, il paraît n’être qu’enfantillage par ses manières de flirt et de bergerie, mais il prend une beauté de force de ce qu’il est universel, de ce que dans toutes les maisons toujours quelqu’un est amoureux ; cette ferveur sentimentale crée une atmosphère de tendresse dominant tout et supérieure à la richesse qui enveloppe délicieusement les jeunes couples et met en grâce les adolescentes, elle conduit au mariage, elle entretient et perpétue la race dans un goût de contemplation et de volupté sans grivoiserie : toutes les jeunes filles sont précoces sans réalisme ; dans une nature où les hauts arbres se chargent de petites fleurs ardentes, elles sont déjà de grandes amoureuses jusque dans les puérilités, elles regardent avec des yeux qui s’aggravent, leurs paupières battent, elles sourient, elles sont agitées, elles pleurent, elles haïssent et elles aiment encore après les ruptures, elles se jalousent les unes les autres, elles rivalisent dans les correspondances. Les élèves