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varangue basse comme dans les dessins jaunis de son album de Roussin, l’Amirauté dans les poivriers, le Mât de Pavillon et la Butte de l’Artillerie écaillée d’aloès. Oh non ! elle n’aime point Paris ni ne veut se le représenter d’aucune manière. Elle chérit son pays. Et Eva, du bout du pont, tournant le dos à l’horizon du Nord, veut s’attacher dans sa souffrance à son île, regarde l’île qui s’étage lentement vers les cimes comme un verger qui ne finit pas, regarde la ville qui n’est qu’un Jardin-suspendu de grands ombrages, regarde les hauteurs du Brûlé où les Européens mêmes disent qu’il règne un climat de France.

Toute la terre créole, en pentes douces de verdure, s’élève devant elle comme un passé, un passé qui n’est que de végétation. Pourquoi la vie, puisqu’on est né ici, n’est-elle pas une chose ramassée dans une île ? et combien alors ce serait délicieux ! Pourquoi n’est-on pas des gens tranquilles, ne pensant pas à aller ailleurs et vivant des produits du pays ? pourquoi faut-il qu’afin que les jeunes gens deviennent des hommes et s’instruisent et puissent gagner leur existence un jour, ils s’exilent de là où ils ont grandi ? Pourquoi faut-il que la civilisation ce soit la séparation ; pourquoi faut-il qu’il y en ait qui doivent aller en France tandis que les autres êtres qui les aiment restent dans l’île ?