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LA VIE DES VOILES

entre leurs doigts diaphanes
un rosaire de voix bleues et de larmes argentines.
« À genoux ! à genoux, ô voiles sibyllines ! »

Alors sur le pavé vénérable des mers,
une à une, en silence, vaincues par le mystère,
les voiles s’agenouillent…
Elles ploient leur échine plaintive,
et leurs focs sont unis comme des mains en prière.
Puis les voiles brunes
se lèvent une à une et trottinent
à pas menus, tout doucement vers le rivage.
Leurs rames noires et ruisselantes
se meuvent minutieuses au ras des flots
comme des bras souples et nus
tout cliquetants de pierreries.

Tout à coup, la quille crisse
sur le sable lisse et s’enfonce,