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LA VILLE CHARNELLE

empoignées violemment, comme on tient
une amarre que secoue la bourrasque.
Elles miaulent, les benjohs, sous leurs doigts frénétiques,
et la Mer, en bombant son dos d’hippopotame,
acclame leurs chansons par des flic-flacs sonores
et des renâclements.

Ô mon âme, entends-tu les cris sourds de la mer ?
Vois-tu ses coups de langue pourprés de feu ?…
Dis-moi, quel est le mage qui fait ainsi
miauler de rage les sinistres benjohs !
Dis-moi, quelle est la gigue diabolique
qui va précipitant le fracas de tam-tam,
l’entrechoc de quinquets fumeux et de lanternes
que font les vagues soûles
attablées, vomissant sur le plat des rochers ?
Oh ! taverne infernale aux rouges bousculades !
Quel est le démon noir qui va pouffant de rire
et s’esclaffant en liesse dans ce trop blanc sillage,