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LA VILLE CHARNELLE

que l’aurore et la mer ont parfumées de miel !
Maudit chien enragé qu’a mordu le serpent
pustuleux et fétide de l’orgueil millénaire,
j’ai broyé de mes dents tes chevilles poudreuses,
et, depuis, le poison de mon ambition
circule dans tes veines et obscurcit tes yeux !…
Tu te roules à jamais dans mes rayons sonores,
plus pesants que des chaînes, car tu n’es qu’un esclave
condamné à m’offrir ton cœur mûr,
chaque jour, comme un fruit.
Je le happe en mordant tes doigts, dont je savoure
le lent et méthodique faisandage ! »

Et le Soleil gonflait ses joues éblouissantes
et sa vaste poitrine aux longs poils phosphoreux
embreloquée de joyaux bleus qui tintinnabulaient.
Mais je fuyais courbant mon dos comme un esclave,
parmi son souffle énorme de four et de levain.