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LA VILLE CHARNELLE

quand le Soir agitait sa torche aux pieds des chênes,
voguant sur les reflets jaunâtres qui charbonnent
dans l’ombre immémoriale des forêts riveraines.
Et tu connus le faune au grand corps boucané
émergeant d’un remous de plantes limoneuses,
parmi les lourds oiseaux qui crient tels des ciseaux
de Parques somnolentes, dans les roseaux des berges.

Mais lentement la brise effeuilla les nuages
consumés par le rut acharné du Soleil…

Alors tu modulas ta voix sur la cadence
et la strophe ondoyante de ce fleuve inspiré
qui voyage avec toi pour l’amour de la Lune :
« Beau fleuve, entraîne-moi vers la bouche vermeille
de Celle qui m’attend sous les sages lauriers
et dont l’arome embaume les flots nacrés, où nagent
les cygnes bleus aux frais plumages de silence !… »