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LES BARQUES MOURANTES

Là-bas, près des fontaines.
Elles étaient blanches et presque nues,
La robe dégrafée, avec sur les seins droits
Les larmes et les joyaux du soir.
Oh ! elles étaient belles, ardentes et pâlies,
Comme les jours lointains de la jeunesse. »
Et les vieillards se turent,
Parmi le glas des cloches qui se fanait au ciel,
Songeant aux lèvres mortes de ces mortes
Qui chantaient autrefois au seuil bruni des portes,
À leurs baisers de miel, à leurs âmes exhalées
Qui s’en allèrent un soir comme des voiles
Voguant au large des crépuscules violets.
Et parmi les vieillards une voix brune pleura :
« Mon fils, te souviens-tu de la vitre brisée
Que nous trouvâmes, près de son lit,
Quand elle fut morte ? »
Et les marins assis au seuil de leurs portes,
Faisaient en frissonnant le signe de la croix.