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LA MORT DES FORTERESSES

malgré le vieux savoir et l’antérieur dégoût,
voulurent allécher l’angoisse des gavroches
en leur offrant des vierges aux lèvres printanières.

Sur leurs vastes genoux élargis en terrasses,
dans le relent acide et mielleux des saumures,
elles firent asseoir les fillettes du port,
dont le teint est fardé d’embrun et de soleil
et le corps assoupli par l’audace du vent.
Des grappes de fillettes vêtues de rose et de lilas
s’inclinèrent nonchalamment aux parapets
d’où l’on voyait déjà, sur l’horizon grisâtre,
le soleil émergeant s’embrouiller aux mâtures
parmi la rousse chevelure des cordages.

Et les jeunes Navires tendaient vers les fillettes
leurs antennes crochues et leurs grands doigts rapaces
bagués et parfumés de cuivre et de goudron…