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DE MARIE DE FRANCE.

Ke cointe Beste avez choisie[1],
Preste et isnele et emprenanz ;
Se de curage et de talanz
Esteit si franz cum il deveit,
Mais d’une cose se crémeit[2]
Qu’il ne présist à cunsellier[3]
Le Werpil qui trop seit trichier ;
Andui sunt felun et engrès.
[a]Si del’ Lous voelez aveir pès30
Se li faites seur Sains jurer[4]

  1. S’il de lui voelent avoir pès
    Faites li faire sairemant
    Que jamais jor en son vivant
    Il ne doie Bestes adeser.

  1. N’en doutez point, vous avez fait un bon choix.
  2. Avoit peur, craignoit, redoutoit.
  3. Le lion craignoit seulement que le loup ne prît le renard pour l’un de ses conseillers.
  4. Cette coutume de jurer sur les choses saintes, s’introduisit en France, en même temps que la religion chrétienne. Les anciens Francs juroient par leur barbe et par leurs cheveux ; mais après leur conversion, ils ne contractèrent plus d’engagements sans avoir promis solennellement de l’observer, devant des objets sacrés, tels que les reliques des saints, la croix, l’évangile, etc. Nos ancêtres ne pouvoient penser qu’un chrétien pût prendre à témoin d’une fausseté les choses les plus respectables : ils se persuadoient que Dieu ne manqueroit pas de punir le parjure.