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LAI DE GRAELENT

L’eau lui passe par-dessus la tête, et à peine pouvoit-on l’apercevoir. Son amante saisit la rêne du cheval et conduit Graelent à terre ; elle l’invite de nouveau à ne pas s’obstiner à la suivre et à s’éloigner, s’il ne veut pas s’exposer à une mort inévitable. En achevant ces mots, elle pousse son cheval dans la rivière ; mais le chevalier ne peut supporter l’idée de perdre sa mie. Il entre dans l’eau, le courant l’entraîne et lui fait vider les étriers ; c’en étoit fait de lui, si les suivantes de la fée n’avoient parlé en sa faveur. Dame, au nom de Dieu, pardon, ayez pitié de votre amant ; vous le voyez, il est prêt à périr. Maudit soit le jour où vous lui parlâtes pour la première fois, et où vous lui accordâtes votre amour. Mais pour Dieu, le courant l’entraîne et bientôt il ne sera plus temps. Ah ! quel chagrin, s’il venoit à mourir ! et comment votre cœur peut-il le permettre ? Dame, vous êtes trop sévère, aidez-le donc, prenez-en soin, votre ami se noie, portez-lui secours, malgré les torts qu’il a eus envers vous. De grace laissez-vous attendrir et pardonnez-lui sa