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LAI DE GRAELENT

Avant que l’année fût écoulée, le malheureux, plongé dans la douleur, avoit tellement perdu la force et le courage, que tous ses amis s’étonnoient de ce qu’il pouvoit résister à une pareille situation. Enfin, au jour assigné pour tenir cour plénière, le roi manda tous ceux qui relevoient de sa couronne ; les chevaliers qui s’étoient rendus cautions pour Graelent, le conduisirent devant le roi qui lui dit : Où est votre amie ? Sire, répondit-il, je ne l’amène point ; et puisque cela est impossible, faites de moi votre volonté.

Seigneur Graelent, reprit le roi, vous parlâtes d’une manière bien vilaine, lorsque, pour mépriser la reine, vous avez donné un démenti à mes barons. En sortant de mes mains, vous ne médirez plus d’aucune femme. Puis s’adressant à l’assemblée, le monarque continua en ces termes : Seigneurs, je vous prie de n’apporter aucun retard dans le jugement que vous allez prononcer. Vous connoissez l’affront que m’a fait l’accusé dans ma cour et en présence de tous mes vassaux. Celui qui insulte ma femme, ne peut