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LAI DE GRAELENT

personne ne me voie et ne sache qui je suis. J’ai distingué vos qualités, car c’est pour vous que je suis venue à la fontaine ; et je savois d’avance ce qui devoit arriver. Je crains d’avoir à me repentir de ce que j’ai fait ; prenez bien garde à ne rien laisser transpirer de ce qui nous est arrivé, sans quoi vous me perdriez pour toujours. Il vous faudra séjourner un an près de ce canton ; vous pourrez néanmoins vous absenter pendant deux mois ; mais, à votre retour, revenez ici ; car j’aime beaucoup ce pays. Adieu, cher ami, la nuit s’approche[1] ; je vous ferai connoître mes intentions par un message que je vous transmettrai.

Graelent prend congé de sa belle, et ne la quitte qu’après l’avoir couverte de baisers ; il retourne à son hôtel, descend de cheval, et monte dans sa chambre, où il lui tarde d’être seul pour réfléchir sur son aven-

  1. None, la neuvième heure du jour, ou plutôt les trios quarts de la journée. Au temps de Marie, on comptait par vingt-quatre heures ; douze heures de nuit, et douze heures de jour, à la manière des anciens.