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LAI DE GRAELENT

cun prix. Cicéron dans son traité de l’amitié[1], dit expressément : ce que desire l’un des amants, doit être desiré par l’autre ; leur liaison devient charmante dès qu’il en est ainsi. Mais si l’un veut et que l’autre ne veuille pas, il n’existe plus d’amour alors. Il est aisé de faire une maîtresse, mais il est plus difficile de la conserver, sur-tout, si de chaque côté, l’on n’apporte pas de la douceur, de la franchise et de la régularité. L’amour ne doit jamais être souillé, son commerce demande une si grande loyauté que je n’ai jamais osé m’en entremettre.

La reine écouta avec plaisir le discours du chevalier qui lui paroissoit partager ses sentiments ; il n’auroit pas ainsi parlé, s’il n’avoit eu dessein d’aimer ; oui, j’en suis certaine, Graelent est un homme sage, aimable et courtois. Elle s’ouvre alors sans

  1. Tullius Cicéron qui a fait un traité sur l’Amitié. Marie est un des poëtes de son temps qui avoit le plus lu et qui citoit assez souvent. On en voit quelques exemples, mais ils sont rares. Rutebeuf, Jean de Meung, et autres, citent assez souvent les auteurs anciens.