Page:Marie de France - Poésies, éd. Roquefort, I, 1820.djvu/475

Cette page a été validée par deux contributeurs.
459
LAI D’ELIDUC.

l’objet qui doit causer notre mort. Nous ne viendrons jamais à terre ; parce que vous avez une légitime épouse et que vous emmenez une autre femme, au mépris de la religion, de la loi, de la probité et de l’honneur. Laissez-nous la jeter dans la mer, et vous verrez que nous arriverons sur-le-champ[1]. Peu s’en fallut qu’à ce discours

  1. Pareil événement se fait remarquer dans le roman de Tristan de Léonnois.

    Sadoc, fils de Bron, avoit sauvé du naufrage une jeune personne nommée Chélinde, fille du roi de Babylone. Sadoc lui offre sa main qu’elle accepte. Il n’y avoit pas long-temps qu’ils étoient mariés qu’un des beaux-frères de Chélinde devient amoureux de cette dame et la viole. L’époux instruit de cet attentat court venger son injure dans le sang du coupable et s’embarque pour retourner chez lui. Une tempête s’élève, le vaisseau est prêt à s’abymer. Un vieillard annonce à l’équipage que Dieu n’avoit suscité cet orage que pour punir le crime commis par l’un des passagers. En effet, Sadoc fait l’aveu de son double malheur, puis il se précipite dans la mer. Alors la tempête s’appaise, le ciel devient serein, et le vaisseau poursuit tranquillement sa route.