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LAI DU CHAITIVEL.

guerriers s’abandonnant trop à l’impétuosité de leur courage, et s’étant trop éloignés de leurs gens, trois tombèrent atteints d’un coup mortel ; le quatrième fut dangereusement blessé à la cuisse et en diverses parties de son corps qui avoit été traversé d’un coup de lance. Tous quatre restèrent confondus parmi les étrangers qui gisoient sur l’arène. Les vainqueurs firent jeter au loin les écus de ces quatre chevaliers pour venger sans doute la mort de leurs amis, et en cela ils se comportèrent fort mal.

Je ne saurois exprimer le chagrin des habitants de Nantes, lorsqu’ils furent instruits de la perte de leurs braves compatriotes. Le deuil fut général, et jamais on n’en vit un pareil. Tous sortirent de la ville pour aller au-devant de leurs dépouilles mortelles. On remarquoit deux mille chevaliers qui avoient délacé leurs casques ; dans leur douleur ils s’arrachoient les cheveux et la barbe. Après avoir cherché et trouvé les écus des quatre prétendants, on y plaça leurs corps dessus ; ils furent porté à la ville et présenté à la Dame. Dès qu’elle