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LAI DU CHAITIVEL.

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Jéprouve le désir de réciter un Lai que j’ai déjà entendu raconter. J’indiquerai en même temps les noms de ce Lai, celui de la ville où se passa l’aventure ; plusieurs l’appellent le Lai du Chaitivel[1], et beaucoup d’autres le Lai des quatre douleurs.

Vous saurez donc qu’à Nantes, en Bretagne, il étoit une dame charmante, autant instruite que belle. Aussi tout chevalier du pays qui la voyoit une fois seulement, ne manquoit pas de lui adresser ses vœux et de la requérir d’amour. Elle ne pouvoit certainement pas les aimer tous, mais elle ne vouloit pas aussi les désespérer ; il vaudroit mieux alors qu’un homme fit la cour à toutes les femmes de la même contrée, que de le voir malheureux par les souffrances d’amour. Notre beauté étoit fort avenante envers ses adorateurs ; et sans vouloir les écouter, en

  1. Malheureux, infortuné, captivus.