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LAI DU LAUSTIC.

lors il m’est impossible de pouvoir fermer les yeux et de dormir. En écoutant ce discours le mari se met à rire de colère et de pitié. Il lui vient à l’idée de s’emparer de l’oiseau chanteur. Il ordonne en conséquence à ses valets de faire des engins, des filets, puis de les placer dans le verger. Il n’y eut aucun arbre qui ne fût enduit de glu ou qui ne cachât quelque piège. Aussi le rossignol fut-il bientôt pris. Les valets l’apportèrent tout vivant à leur maître, qui fut enchanté de l’avoir en sa possession ; il se rend de suite auprès de sa femme. Où êtes-vous madame, lui dit-il, j’ai à vous parler ? Eh bien ! cet oiseau qui troubloit votre sommeil ne l’interrompra pas davantage, vous pouvez maintenant dormir en paix, car je l’ai pris avec de la glu. Je laisse à penser quel fut le courroux de la dame en apprenant cette nouvelle ; elle prie son mari de lui remettre le rossignol. Le chevalier, outré de jalousie, tue le pauvre oiseau, et chose très-vilaine, il lui arrache la tête et jette son corps ensanglanté sur les genoux de sa femme, dont la robe fut