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LAI DU LAUSTIC.

être aussi à cause de la proximité de leur demeure, la dame partagea bientôt les feux dont brûloit son amant. Par la retenue qu’ils apportèrent dans leur liaison, personne ne s’aperçut de leur intelligence. Cela étoit d’autant plus aisé aux deux personnages que leurs habitations se touchoient, et qu’elles n’étoient séparées que par un haut mur noirci de vétusté. De la fenêtre de sa chambre à coucher la dame pouvoit s’entretenir avec son ami. Ils avoient même la facilité de se jeter l’un à l’autre ce qu’ils vouloient ; la seule chose qui leur manquoit étoit de ne pouvoir pas se trouver ensemble, car la dame était étroitement gardée. Quand le bachelier étoit à la ville, il trouvoit facilement le moyen d’entretenir sa belle, soit de jour, soit de nuit. Au surplus ils ne pouvoient s’empêcher l’un et l’autre de venir à la croisée pour jouir seulement du plaisir de se voir.

Ils s’aimoient depuis long-temps, lorsque pendant la saison charmante où les bois et