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LAI DES DEUX AMANTS.

ma marche. Tout ce peuple se mettroit à crier, à m’étourdir de ses huées ; ces cris me troubleroient et je ne pourrois peut-être pas continuer ma route. En arrivant aux deux tiers de la course, le comte foiblissoit encore davantage, la jeune fille le prie à plusieurs reprises d’avaler la liqueur. Il ne veut rien en faire, il s’anime en voyant le but de la carrière ; mais il y touchoit lorsqu’il tomba épuisé de fatigue. La demoiselle pensant que son amant se trouvoit mal, se mit à genoux pour lui faire prendre la liqueur qui devoit lui rendre les forces. Il étoit trop tard, le malheureux avoit rendu le dernier soupir. Elle pousse un cri, répand des larmes, et jette loin d’elle la bouteille qui contenoit le remède. Depuis ce temps les herbes qui en ont été arrosées, sont devenues célèbres par les guérisons qu’elles ont faites.

La princesse au désespoir se jette sur le corps de son ami, elle le serre dans ses bras, lui baise les yeux et la bouche, enfin la douleur la fait tomber à côté de son amant.