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LAI DES DEUX AMANTS.

il exigera que je vous porte au sommet du mont. Cher amant, je n’ignore pas que vous n’aurez jamais assez de force pour me porter à l’endroit désigné. Mais, si je vous accompagne dans votre fuite, pensez, je vous prie, au chagrin et au désespoir de mon père, qui en mourroit de chagrin. Certes, je l’aime trop pour vouloir empoisonner ses dernières années. Cherchez un autre moyen, celui-ci ne peut me convenir.

Écoutez, j’ai une parente fort riche à Salerne. Pendant plus de trente ans qu’elle a demeuré dans cette ville, elle a étudié et pratiqué la médecine, science dans laquelle elle est fort habile. Elle connoît à fond les vertus et les propriétés des herbes et des racines ; vous vous rendrez près d’elle avec mes lettres ; vous lui expliquerez le sujet de votre voyage. Ma tante vous fournira des conseils et des remèdes. Elle vous donnera des potions et des liqueurs qui en réconfortant, doubleront vos forces et votre courage. Sitôt que vous serez de retour, vous me demanderez à mon père ; je sais qu’il ne manquera pas de vous répéter les