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LAI DE LANVAL.

tues très-richement d’un bliaud[1] de pourpre grise[2]. La plus âgée portoit un bassin d’or émaillé, d’un goût exquis, et la seconde tenoit en ses mains une serviette. Elles viennent droit à lui, et Lanval en homme bien élevé, se relève aussitôt à leur approche. Après l’avoir salué, l’une d’elles lui dit : Seigneur Lanval, ma maîtresse, aussi belle que gracieuse, nous envoie pour vous prier de nous suivre, afin de vous conduire près d’elle. Regardez, sa tente est

  1. Le Bliaud étoit un habillement de dessus, une sorte de robe qui enveloppoit, ce que les dames pourroient appeler redingotte du matin.
  2. Le mot Pourpre ne signifioit pas toujours une couleur rouge et sanguine, mais il servoit à désigner toutes les couleurs qui ont beaucoup d’éclat. Il en étoit de même chez les Grecs qui les nommoient λαμπρώς, et λαμπροτάτος, et les Romains Coccum, Hysginum et Purpureus. C’est ce qui sert à expliquer pourquoi nos anciens poëtes ont toujours désigné la couleur de la pourpre. On en trouve de couleur noire, blanche, grise, rousse, bise, verte, sanguine, bleue, vermeille, etc. Le Grand, Fabliaux, in-8o, tom. i, p. 109, cite plusieurs autorités à cet égard ; au vers 565 de cette pièce, il est fait mention d’un manteau de pourpre grise, comme au vers 102, d’un manteau de pourpre Alexandrine. C’étoit la plus belle et la plus estimée ; on la tiroit d’Alexandrie, où les Italiens qui faisoient alors exclusivement le commerce de la Méditerranée, alloient la chercher.

    Ses mantiax fu et ses bliaus
    D’une porpre noire, estelée
    D’or, et n’étoit mie pelée.

    Rom. de Perceval, ms. de l’Arsenal ; fo 8, ro col. i.