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LAI DU BISCLAVARET.

sant. Elle ne perdit pas courage, elle flatta et caressa si tendrement le chevalier, que celui-ci lui découvrit entièrement son secret.

Sachez donc que pendant mon absence je deviens loup-garou ; j’entre dans la grande forêt, et vais me cacher dans le plus épais du bois, et là, je vis de proie et de racines. — Mais, bon ami, veuillez me dire si vous vous dépouillez de vos habits, ou bien si vous les gardez ? — Madame, je vais tout nu. — De grâce enseignez-moi où vous déposez vos vêtements. — Cela m’est impossible, car non-seulement si je venois à les perdre, mais encore à être aperçu, quand je les quitte, je resterois loup-garou toute la vie, et je ne pourrois reprendre ma forme ordinaire qu’à l’instant où ils me seroient rendus ; d’après cela vous ne devez pas être surprise de mon silence à cet égard. Sire, vous savez que je vous aime au-delà, de toute expression, dès lors vous n’avez rien à craindre de ma part et ne devez rien me cacher. La confiance naît de l’amitié, et vous me feriez croire que je ne possède ni l’une ni l’autre chez