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LAI DE GUGEMER.

intérieure qui ne laisse rien apercevoir au dehors. C’est un mal qui dure long-temps, parce qu’il est naturel. Je sais qu’il en est plusieurs qui tournent en plaisanteries les souffrances d’amour. Ainsi pensent ces hommes discourtois, qui sont jaloux des gens heureux, et qui vantent par-tout leurs bonnes fortunes. Non ils ne savent ce que c’est que l’amour, ils ne connoissent que la méchanceté, le libertinage et la débauche. De son côté, la dame qui aimoit tendrement le chevalier n’ignoroit pas que, lorsqu’on trouve un ami sincère et vrai, on doit le chérir et faire tout ce qu’il peut désirer. Enfin l’amour donne à Gugemer le courage de découvrir à sa mie toute la violence de sa passion. Je meurs pour vous, dit-il, daignez m’accorder votre amour ; et si vous rejetez ma tendresse, je n’ai d’autre espoir que la mort. Ah ! de grace, je vous en supplie, ne me refusez pas. Bel ami, un instant, je vous prie ; une pareille demande à laquelle je ne suis pas accoutumée mérite réflexion. Pardon, madame, si mon discours peut vous blesser. Vous n’ignorez