Page:Marie de Compiègne - L’évangile aux femmes.djvu/23

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 19 —

échapper dans le cours du récit, nous montrant ainsi à découvert les sentiments secrets de son âme. Tantôt elle laisse entendre qu’elle n’est pas tout-à-fait heureuse dans sa patrie d’adoption. Ainsi dans sa charmante fable du Milan et du Rossignol, elle dit comme conclusion : « Bien des gens ne savent déployer leurs talents devant ceux qui leur inspirent de l’effroi. » Tantôt elle semble regretter cette belle terre de France, que ne peuvent jamais oublier ceux qui l’ont vue une fois, ceux surtout qui ont eu le bonheur d’y voir le jour : « À cela doivent songer, dit-elle dans le Lièvre et les Grenouilles, ceux qui veulent se mettre en voyage et abandonner leur contrée natale. Jamais ils ne trouveront aucun pays où ils puissent être sans peur, sans travail et sans douleur.»

En somme, on peut dire que, si les Lais de Marie de Compiègne récemment découverts ont montré le talent du poète sous un nouvel aspect, sa réputation était due surtout aux fables qu’elle avait composées. En effet, tandis qu’il ne nous reste qu’un manuscrit complet des lais, il en existe un assez grand nombre des fables, tant à Paris qu’à Londres, ou même ailleurs ce qui prouve la grande faveur dont elles ont joui jusqu’au dix-septième siècle. D’ailleurs il semble que seules les fables aient été connues du public du quinzième au dix-neuvième siècle. Car ni le président Fauchet, dans son Recueil de l’origine de la Langue et Poésie françoise, ryme et romans[1] ; ni le chancelier Pasquier, dans ses Recherches sur la France ; ni la Bibliothèque française de La Croix du Maine et Du Verdier, ni le Dictionnaire historique, ne font la moindre mention des lais. Quelques critiques citent cependant un autre ouvrage de Marie, imprimé par Roquefort dans son édition, et qui ne manque pas d’originalité. C’est le Purgatoire de saint Patrice, qui semble avoir été traduit du

  1. À Paris, chez Robert Estienne, 1581, 1 vol.