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tournoi l’amour d’une belle dame; 6o le lai du Laustic (lisez du rossignol), chef-d’œuvre de naturel et de sensibilité ; 7o le lai du Chèvrefeuille (c’est un épisode du roman fameux de Tristan de Léonnois et de sa mère, la blonde Yseult) ; 7o le lai du Fresne (il s’agit ici d’une demoiselle de haut lignage, exposée comme enfant naturel, et dont on reconnaît enfin la naissance légitime) ; 9o le lai des Deux-Amants (deux jeunes gens meurent victimes de leur tendresse mutuelle, et de l’injustice de leurs parents qui s’opposent à leur union). On voit encore, près de Rouen, le prieuré des Deux-Amants qui marque le lieu de la scène.

Les lais furent le premier ouvrage de Marie. Elle déclare elle-même qu’elle les composa sur l’ordre du roi, qui avait sans doute eu l’occasion d’apprécier son talent de poète. On y remarque déjà toutes les qualités qui distinguent son style et sa manière : de la vivacité, une grande finesse de tact et de discernement, du naturel et parfois même une élévation de pensée qui étonne en un pareil siècle. Les descriptions sont toujours exactes et pleines de détails précieux sur les mœurs du treizième siècle en Angleterre et en Basse-Bretagne. Tous les sujets de ces lais sont du reste tirés des romans et des légendes du Cycle d’Arthur, dont Marie a emprunté les épisodes les plus intéressants en donnant aux noms propres gallois ou bas-bretons une forme anglaise. « À un goût épuré, dit dans sa notice l’abbé de la Rue, à des formes gracieuses, à des pensées agréables, Marie joignait une grande sensibilité, et souvent la muse anglaise semble l’avoir inspirée. » J’aimerais mieux qu’il eût dit la muse française. Car une femme née et élevée en France devait précisément allier la sensibilité et l’exquise simplicité naturelle à son sexe et à son époque, à la fierté traditionnelle des héros de la Table-Ronde. De là, cette étonnante variété dans le ton, ce choix heureux des sujets et des situations, presque toujours dignes de pitié, et ces mâles accents