Page:Marie Louise Gagneur Les Forcats du mariage 1869.djvu/78

Cette page a été validée par deux contributeurs.
72
les forçats du mariage

la première fois, je crois pourtant à tout ce que vous jetez à bas, à la morale, à la famille, à l’amour éternel.

— Qui a parlé ? où est-il ? Mon lorgnon, non, ma longue-vue, non, un télescope ; car il doit habiter la lune. Tiens ! c’est ce négrillon ?

— Oui, monsieur, c’est moi, répondit Étienne avec calme, je bois à l’amour éternel.

— Ah çà ! il nous la fait à l’opium, celui-là ! dit un petit crevé dont le visage était orné d’un formidable pince-nez.

— L’amour éternel, qué’que c’est que ça ? demanda Nana. Ça marche-t-il, ça se mange-t-il ? Quel goût ça peut-il bien avoir ?

— Monsieur, vous êtes un phénomène vivant, dit à Moriceau sa voisine ; tenez, voilà vingt sous, payez-vous et rendez-moi la monnaie.

— Il est très-riche, glissa Robert à l’oreille de Nana.

Alors Nana, s’adressant à Étienne avec sa grâce la plus provocante :

— Qu’entends-tu, monsieur, par l’amour éternel ? Est-ce un amour de quinze jours ou d’un mois ?

— L’amour éternel, ne le blaguez pas ; je le défends, moi. J’en ai inspiré un dans ma vie. Une femme m’aima ; elle mourut le lendemain : amour éternel.

Robert éleva de nouveau sa coupe. Sa main oscillait un peu.