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les forçats du mariage

puissamment à modifier mes idées sur l’art, sur la passion et sur la famille. Moi qui avais cru jusque-là qu’il fallait être possédé de la fièvre d’amour pour produire de grandes œuvres, j’ai dû reconnaître que rien n’est plus atrophiant pour le talent, plus opposé au développement du sentiment artistique que ces passions absorbantes, que ces entraînements violents.

— Que dis-tu là ?

— Hélas ! oui ; pendant ce mois de folie et les six mois qui ont suivi, je n’ai pu donner un coup de pinceau : je tournais tout bonnement à l’idiotisme. J’ai compris alors que la famille seule pouvait me sauver, en me rendant le calme et les douces affections.

— C’est à ce moment que tu as rappelé Annette ?

— Et que je me suis marié. Dès lors, j’ai recouvré toute ma liberté d’esprit, qui depuis ne m’a plus quitté.

— Donc, à quelque chose malheur est bon ; car tu es aujourd’hui le modèle des papas et des maris.

— Positivement. Moi, qui croyais détester les enfants, je reconnais maintenant que je les adore, et que j’étais fait pour le mariage. Mes deux marmots font la joie de ma vie.

— Alors tu ne crois plus à la fatalité des organisations,