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les forçats du mariage

souffert l’un et l’autre par l’amour pour qu’un tel sentiment puisse renaître en nous. Pour moi, je le disais, il n’y a qu’un instant, à Mme Dercourt, l’amour me fait horreur ; tandis qu’une douce amitié me serait un réel bienfait, et pourrait seule guérir des blessures qui saigneront longtemps encore.

— Sans doute, madame ; mais le monde est sceptique. Nous plaçant sur la même ligne que ma femme et votre mari, il nous confondrait tous deux, vous surtout, dans une même réprobation.

— Eh bien ! je pense, moi, monsieur Moriceau, que lorsque le monde est injuste, il faut avoir le courage de s’affranchir de ses jugements. C’est pourquoi je vous renouvelle ma proposition : voulez-vous être mon ami ?

Il hésitait encore. Mais elle le rassura. Ils prendraient des précautions d’ailleurs. Elle avait l’intention de vivre loin du monde. Qui saurait à Paris leur intimité ?

En été, au lieu d’aller dans les villes d’eaux trop fréquentées, ils se réfugieraient dans quelque anse solitaire, et là, se livreraient ensemble et tout entiers à l’éducation des chers petits qu’ils aimaient. Ce serait désormais le but, le bonheur de leur vie. Étienne ne demandait qu’à être convaincu ; il accepta. Toutefois, il n’avait pas dit à Marcelle tous les motifs de son hésitation.

Dans ce moment M. Rabourdet entra.