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les forçats du mariage

— M. Moriceau, s’écria Marcelle qui tressaillit, faites entrer.

Elle alla avec empressement au-devant de lui. Mais en le voyant, elle fit un haut le corps involontaire. C’est à peine si elle pouvait le reconnaître. Cora, elle aussi, le regardait avec stupeur et avec cette compassion respectueuse qu’inspire une infortune imméritée.

Les traits d’Étienne portaient en effet l’empreinte d’un malheur navrant. Ses yeux tristes étaient à moitié baissés : on eût dit qu’il craignait de rencontrer sur les visages un sourire railleur ou une expression de pitié. Ses cheveux étaient blancs.

— Je voudrais parler à M. Rabourdet, dit-il après les civilités d’usage.

— Mon père est absent ; mais veuillez l’attendre, je vous prie.

Il s’assit, ne répondant que par monosyllabes aux questions affectueuses de Marcelle.

Cora crut que sa présence l’embarrassait, et se retira.

Dès qu’elle se trouva seule avec lui, Marcelle lui tendit la main.

— Monsieur Moriceau, mon ami, mon seul ami, dit-elle, que je suis heureuse de vous revoir ! J’ai pensé à vous bien souvent. Je voulais vous écrire, et je n’osais pas. Comme vous n’écriviez pas vous-même, je me disais : C’est qu’il est heureux, car on prétend que rien ne rend égoïste comme le bonheur.