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les forçats du mariage

lère à cette douce résignation, à ces reproches muets, qui sont pour moi un remords permanent.

» Le croiriez-vous ? parfois je le déteste, cet homme si parfait, à cause de sa perfection même. S’il était méchant, emporté, brutal, au moins aurais-je une excuse à mes fautes, au moins pourrais-je sans crime songer à le fuir ; car je ne puis rester ici.

» Je veux partir, je le veux comme veulent les mourants qu’empoigne une idée fixe. Je quitterai Étienne, je quitterai ma fille, je quitterai tout pour revoir la France, et pour te revoir aussi, Robert ; car je t’aime encore, malgré tout, et je veux mourir dans l’air que tu respires.

» Mais je n’en ai pas prévenu mon mari ; il s’opposerait à mon départ…

» Je reprends ma lettre interrompue par une altercation assez vive entre Étienne et moi.

» Hier, je lui exprimai mon désir de revoir la France ; je lui certifiai que là seulement je pourrais me guérir de cette maladie de langueur dont je meurs ; mais il me répondit très-sèchement : C’est impossible. — J’insistai. — Plus impérieusement encore, il répéta : C’est impossible. — Vous préférez donc que je meure ? — Si vous le voulez, me dit-il, nous irons dans un autre pays ; mais en France, jamais !

» Ainsi, il préfère sa tranquillité à ma guérison. Malgré sa générosité, il y a là un égoïsme révol-