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les forçats du mariage

au contraire, les plus riches, les plus multiples, les plus ardentes, les plus complètes, puisqu’elles savent varier sans lassitude le thème infini de l’amour, puisque leur flamme ne s’éteint jamais, puisqu’elles possèdent un sentiment poétique assez intense pour maintenir l’enthousiasme au même diapason.

Marcelle ferma les yeux pour dissimuler son émotion, tant elle se sentait heureuse de rencontrer enfin un homme qui sût apprécier son cœur.

— Mon amie Cora, reprit-elle après un moment de silence, me conseille la coquetterie pour réveiller l’affection éteinte de mon mari.

— Peut-être, en effet…

— Ah ! monsieur. Moi, coquette ! interrompit-elle. J’ai voulu l’essayer. J’en rougis encore. Me faire méchante, frivole ! Mon cœur se gonflait, et mes yeux pleins de larmes protestaient. Minauder quand on est prête aux sanglots, est-ce possible ? Vous le voyez bien, monsieur, il n’y a pour moi aucun remède, pas même l’oubli ; car je ne puis faire qu’à vingt ans mon cœur cesse de battre, cesse d’aimer.

Étienne n’osa la contredire. Il sentait par ce qu’il éprouvait lui-même que Marcelle avait raison, et que ces natures faites pour l’amour constant, infini, sont trop souvent prédestinées au martyre.

— Hélas ! dit-il, il y a en effet de douloureuses