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les forçats du mariage

semblaient prédestinés l’un à l’autre. Et pourtant, regarde-les : ils sont là côte à côte ; ils se connaissent à peine, et un abîme les sépare. Ils se connaîtraient, et même ils s’aimeraient, qu’ils n’oseraient enfreindre leurs premiers engagements. Bien souvent je pense comme toi que la société est absurde et burlesque, et je ne puis songer à ces tristes choses sans devenir aussi misanthrope.

Pierre Fromont écoutait à peine son ami, tant il était ébloui par la splendide beauté de Juliette. L’amour l’avait encore embellie, surtout en ce moment ou la colère illuminait son regard hautain, à demi voilé par la paupière, et soulevait ses narines frémissantes.

Comment Robert n’accourait-il pas pour la rassurer, pour lui expliquer sa lettre de la veille ? Aussi écoutait-elle fort peu les emphatiques madrigaux que bourdonnait à ses oreilles le galant Rabourdet.

Toutefois elle prodigua les plus aimables sourires à Pierre Fromont, qui fut subjugué.

Grâce à ce jeu de coquetterie, Étienne, qui observait sa femme, ne put rien surprendre entre elle et Robert.

À table, M. de Luz, placé à côté de Mme Dercourt, engagea avec elle une conversation fort animée. Évidemment, il lui faisait la cour.

Une violente jalousie s’empara de Juliette. Il ne l’aimait plus. Il aimait cette femme. Cora était non-seulement belle ; mais sa conversation élevée à la